dimanche 20 juin 2021

Lettre à mon père : De ta force de vivre.

 



Je me suis souvent imaginée parler en avant. Ma voix qui résonne et qui fait écho. Je ne sais pas quel temps il est, mais j’ai des frissons. Je tremble même. Les mots sortent, mais ils cassent dans ma gorge. C’est tellement grand, je me sens toute petite en avant, comme quand j’avais 8 ans.

Fais-toi s’en pas, papa. J’ai mis du mascara « waterproof » et mon éternel rouge à lèvre longue tenue, rouge. J’ai enfilé ma plus belle robe noire en ton honneur. Ce n’est pas comme s’il y avait d’autres couleurs dans ma garde-robe hein? Je sais que ça, ça t’aurait fait sourire. Tu m’aurais surement lancé aussi: Maudit que tu es conne mon fils en riant. Pi niaiseusement, j’aurais été fière que tu m’aimes, même quand je dis des conneries, même quand je suis conne. Parce que, s’il a bien une chose dont je suis certaine dans la vie, c’est que tu m’aimes. Et ça, je n’en ai jamais eu aucun doute.

Chu en avant, j’ai 8 ans. J’aurais voulu que tout ça soit à ton image. Drôle, pétillant, vivant. Tsé, un grand rassemblement où l’on pourrait t’entendre parler de tes histoires. Tsé, les histoires que l’on a entendues mille et une fois, mais qu’on dirait que parce que c’était toi qui les racontais, on ne pouvait pas s’en lasser.

Tsé Papa, On n’est jamais vraiment prêt pour ses choses-là. Mais « Ça fait partie du deal. La vie, la mort. Qu’on le veuille ou non. »[i]. Puis depuis le diagnostic, on en a eu des discussions, on en a eu des conversations sur ses deux sujets. Mais, l’être humain est un peu con parfois. On oublie vite et on a toujours espoir que ces choses-là n’arrive pas.

Fais-toi s’en pas, papa. J’ai mis du mascara « waterproof » et mon éternel rouge à lèvre longue tenue, rouge. J’ai enfilé ma plus belle robe noire en ton honneur. Encore aujourd’hui, je reste encore à me dire que ta maladie c’était un osti de beau cadeau mal emballé. Nos veillées interminables et nos discussions sans aucun tabou seront probablement dans les plus beaux souvenirs que je vais garder avec toi.

Lors de nos têtes-à-têtes, j’ai découvert pleins de facettes de toi que je ne connaissais pas. Derrière ta grande sensibilité et ta grande générosité, une belle vulnérabilité et une belle résilience. Tu voulais vivre. Nous voir grandir. Nous étions ta plus grande fierté. Parce que même si on essayait de te faire comprendre qu’on n’était déjà pas mal rendu grandes et qu’on frôlais bientôt nos quarante ans, on était toujours pour toi tes bébés. Tu voulais voir tes petits enfants découvrir la vie. J’espère qu’ils auront le même souvenir que moi, de ton visage quand tu les regardais.

Tsé papa, « mon héros des héros »[ii], toi sur qui je pouvais toujours compter. Toi que je voyais quand même plus fort que tout. J’ai aussi aimé ça partager tes craintes. Pour une fois, c’est moi qui devenait ta force. Moi qui essayais de réchauffer tes petites mains froides. Moi qui te bordait en te disant : je suis là papa. Façon futile pour essayer de dissiper ta peur. J’étais là pour vrai et je suis encore là.

Chu en avant, j’ai 8 ans. J’aurais voulu que tout ça soit à ton image. Drôle, pétillant, vivant. Qu’est-ce qu’il va me rester maintenant? De beaux souvenirs certainement, un numéro d’urgence en moins ironiquement. Tu étais toujours là. Un matin où il a fallu que tu viennes me sortir d’un appartement parce que je faisais une crise d’anxiété, un matin où tu es venu me retrouver à l’urgence parce que j’avais perdu connaissance pour aucune raison. Un Noël que tu t’étaismis beau et que tu m’avais pris en charge. J’étais supposée te souligner, mais j’étaisle pire déchet social que la terre avait pu inventer. Tu n’as jamais accepté que je parle de moi ainsi. Merci pour ta présence, ta générosité d’être, merci de m’aimer tel que je suis, tel que j’étais.  

Fais-toi s’en pas, papa. J’ai mis du mascara « waterproof » et mon éternel rouge à lèvre longue tenue, rouge. J’ai enfilé ma plus belle robe noire en ton honneur. Depuis ton diagnostic, j’ai la tête qui tourne. Tellement de questions, la vie, la mort pourquoi? Ta maladie m’a fait réaliser que je n’accordais pas assez de temps à ma famille, aux miens. Ça prend ça, c’est plate c’est comme ça. Tsé papa, je n’avais jamais réalisé à quel point j’étais chanceuse de vous avoir, de t’avoir.

Chu en avant, j’ai 8 ans. J’aurais voulu que tout ça soit à ton image. Drôle, pétillant, vivant. Aujourd’hui, j’ose espérer que tu seras un bel arbre, pour faire respirer nos générations futures. Un bel arbre fort, solide, mais aussi vulnérable et résilient. J’aimerais ça aller le voir, le plus souvent possible et de faire un dendroglyphe dessus, témoignage fragile mais précieux de la vie, marquer : t you? Pour me rappeler tes messages textes, toutes les fois que j’avais une grosse journée au travail et que j’avais oublié de t’appeler. Toutes les fois où je vais me demander tu es où?

Je risque d’être un peu perdu après tout ça. Je risque de me poser fucking trop de questions. Je risque de trouver que payer pour des signets avec ta face dessus c’est con en crisse. Je risque de me dire que tu es un osti de beau souvenir. Je me suis souvent imaginée parler en avant. Ma voix qui résonne et qui fait écho. Je ne sais pas quel temps il est, mais j’ai des frissons. Je tremble même. Les mots sortent, mais ils cassent dans ma gorge. C’est tellement grand, je me sens toute petite en avant, comme quand j’avais 8 ans. Fais-toi s’en pas, papa. J’ai mis du mascara « waterproof » et mon éternel rouge à lèvre longue tenue, rouge.

Tsé papa, « mon héros des héros »[iii], toi sur qui je pouvais toujours compter. Toi que je voyais quand même plus fort que tout. Je repars en me disant que la vie c’est un voyage. On en a eu un cristi de beau dernier. Je repars en me disant que la vie c’est aujourd’hui. Qu’il faut profiter de chaque instant avec ceux que l’on aime comme si c’était le dernier jour de notre vie. Je repars avec ton rire, tes jokes plates, ta générosité, ton amour pour les autres en me disant que la pomme ne tombe pas très loin de l’arbre. Je repars en m’assoyant à ma place comme une petite fille de 8 ans, en te disant je t’aime. Que même si tu ne seras plus là de ton vivant, la petite brise me rappellera ton passage et comment je t’aime. Ce soir papa, je vais lever mon verre à ta santé et de ta force de vivre.



[i] Marie-ève Perron, De ta force de vivre.

[ii] Marie-ève Perron, De ta force de vivre.

[iii] Marie-ève Perron, De ta force de vivre.

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