lundi 28 février 2022

Janvier

 

Il y a déjà une collègue qui m’a dit : Pour la déprime de Janvier, tu n’as qu’à t’acheter une boîte de Centrum et une paire de chaussure. Ça va te replacer! »

Janvier est lourd. Janvier c’est plate. Janvier c’est taupe comme la couleur sur mes ongles…

L’énergie a chuté aux environs du 3, faisant des allers-retours de mon lit à mon divan et de mon divan à mon lit. J’ai fait le tour de toutes les plateformes pour écouter des séries pis je me suis remise à boire du vin. Du bon vin. Ben du vin.

Janvier est long. Janvier c’est le couvre-feu. Janvier c’est froid.

Jean-Bitch est disparu comme il est arrivé. Un drôle de type. Honnêtement c’est mieux comme ça. Je ne voyais pas cette « relation » bien bien loin. Pis maintenant, j’ai compris que de ce faire des attentes donnent seulement des déceptions. J’ai eu mon lot. Alors je vais passer mon tour là-dessus. J’aurais quand même aimé ça avoir une personne pour me coller dans mon lit nuage les jours où il fait froid. Dormir enlacer pour me réchauffer le cœur.

Janvier est glacial. Janvier c’est le commencement de l’année. Janvier c’est de la merde.

Je ne sens rien. Je ne sens littéralement rien. Pis quand je parle de sentir, ce n’est pas la bonne odeur d’un mijoté d’hiver, mais c’est le feu que l’on ressent en dedans, les papillonnements, les malaises, bref, les émotions. Je suis figée. Je suis figée dans le neutre. Perdue, en se demandant, qu’est-ce qui se passe après?

J’ai terminé l’année en brochette entre mon meilleur ami et sa blonde. Parce qu’en plus de ne rien sentir, je suis welling en crisse. Je ne sais même pas comment tout ça a débuté. J’ai même pas une petite dose de regret. J’étais là, on était là pis c’est comme ça. La brochette du début d’année. Des frenchs, de la nudité pis toute pis toute. Pendant un moment, je me suis senti enrobée. Je n’étais pas seule.

Janvier est triste. Janvier c’est l’isolement. Janvier c’est long des petits boutes.

Alors, je me jette dans les bras de l’un et de l’autre pour trouver une certaine forme de réconfort et créer une émotion. J’ai revu Jean Bitch. Il ne voulait pas que l’on parle. Ce fut bref. Le chat s’est collé et voulait se faire flatter. Je me trouve conne. Fait que je vais boire du vin. Du bon vin. Ben du vin. Pour me faire oublier que je me trouve conne.

Ce n’est pas vrai que je ne sens rien. Je ne sens seulement pas les feelings qui me font du bien. Le feu qui bouille en dedans, des papillonnements, l’excitation, pis toutes, pi toutes. C’est émotions-là. Cependant, j’ai la rage. J’ai la rage en dedans. Je me fais violence.

Tsé, quand te réveiller c’est devenu le projet d’une vie.

Tsé, cette douleur dans le chest qui ne veut pas partir. Ce manque, ce vide…

Janvier ne fini plus. Janvier c’est douloureux. Janvier c’est une maladie.

C’est fou pareil. J’ai arrêté de voir des cœurs. Comme si, tout à coup, j’avais cessé de m’aimer en chemin. Je voudrais que l’on m’efface. Je suis tombé malade de mélancolie et j’ai attrapé tous ses symptômes.

J’ai de la peine. Je fais de la peine. J’ai de la colère et je la jette sur les autres. Je t’aime et je te haïs. Je suis en train de foncer dans un mur à cent mille à l’heure et l’impact va être immense. Mon seul désir être « wested » dans mon lit nuage à boire de la bière comme les ados, manger de la pizza à moitié cuite et faire de la boucane.

C’est pas de ma faute. C’est que je veux vivre avec les livres qui racontent des histoires incroyables. Qui te font vivre leur magie et te donne envie de rêver. Qui te permet de voyager dans une autre réalité que la tienne…

Malgré l’ombre qui me ronge en dedans depuis un moment. Jai le gout de vivre plus que jamais les papillonnements, l’excitation. Tsé, les ressentis qui font vibrer et qui te rappellent que tu es vivant et pas mort en dedans.

Janvier c’est noir. Janvier c’est interminable. Janvier c’est le mal à dit.

Maintenant, quand ça fait trop mal en dedans, je fais de l’amnésie alcoolique. Je me réveille en sursaut pis je suis dans mon lit. Entre le moment x et mon réveil brutal. Rien. Que du noir pis un arrière-goût de mauvais rêve[1]. Ça m’arrive trop souvent de ce temps-là.

Pis des fois, avec l’oubli vient la violence qui se bat dans mon être. Une rage, jusqu’ici peu connu, accompagné de symptômes psychosomatiques. Sensation de brulure intense dans le dos, réactions aux yeux, eczéma au visage ou difficulté à marcher.  Ça frôle l’hystérie mon affaire. Faudrait bien que Freud m’explique.

Janvier tire à sa fin. Janvier c’est la suite logique des choses. Janvier c’est la fin d’un monde.

Il y a déjà une collègue qui m’a dit : Pour la déprime de Janvier, tu n’as qu’à t’acheter une boîte de Centrum et une paire de chaussure. Ça va te replacer! » Fait que je me suis achetée des vitamines pis un nouveau vibrateur et pour l’instant, rien n’a changé.

Je me suis encore réveillée en sursaut dans mon lit. Cette fois-ci, je suis nue. J’ai encore fait de l’amnésie alcoolique. Entre le moment x et mon réveil brusque. Rien. Mais cette fois-ci, il y a un peu de lumière pis ça sens bon. Un doux parfum qui vole dans la pièce. J’imagine une tignasse blonde et épaisse pis j’ai envie de me plonger le visage dedans et humer ce délicieux parfum. Ça semble réconfortant et je n’ai aucun arrière-goût de mauvais rêve.

J’ai encore fait de l’amnésie alcoolique ou je suis seulement en train de rêver. Je reprends peu à peu mes esprits et conscience de ce qui s’est passé. De retour à la réalité, je m’aperçois que je ne suis pas seule. Je suis  dans mon lit nuage avec la fille qui n’a pas de nom. Je me sens bien et je peux maintenant me rendormir tranquillement. Janvier venait de se terminer.



[1] L’image fantôme p.57



dimanche 13 février 2022

Voici la folle.

                                     

J’ai un souvenir qui revient continuellement de ce temps-là.

Je suis à mon chalet et je fume une cigarette. Je suis avec mon chum et son ami. Je voulais faire plaisir à mon amoureux pour son anniversaire. Son seul souhait, c’était de la tarte au citron et que j’aille chercher son ami. C’était simple et réalisable. 

Quand même...

Son ami l’avait eu pas mal « rought » au cours des derniers mois : un accident très grave suivi d'un manque de motricité. Il est devenu paraplégique à la suite de cette mésaventure. Ensuite, pour couronner le tout, il s'est séparé.

Mon chum a changé depuis... 

En fait, il n’était plus le même depuis la mort d’un de nos amis en 2017 et était complètement déconnecté depuis que les jambes de son ami ne fonctionnaient plus. Comme je le ressentais depuis un certain temps et que nous vivions, nous aussi, une période difficile, je voulais réellement lui faire plaisir.

Son ami et sa tarte au citron il aura.

De mon côté, j’avais le petit bonheur de fête de mon chum à gérer et aussi d’aller chercher son ami, l’introduire et le sortir de ma voiture, le rentrer dans le chalet et ce, sans le faire sentir comme un vulgaire handicapé. Ça m’angoissait. Sa situation me touchait. Mon empathie, ma sympathie et ma compassion ne pouvaient pas prendre de vacances à ce moment-là. Je l’aimais, lui. Pis mon chum, je le voyais encore dans ma soupe après dix ans.

C’est revenu depuis que j’ai changé de thérapeute. Je pense que c’est normal. Il a fallu que je remonte en 2019 dans mes histoires et mes souvenirs. 

Ça m’a ébranlée...

L’image, les sons, les paroles me reviennent lorsqu’il serait intelligent que Morphée me prenne dans ses bras et me berce.

Je suis à mon chalet et je fume une cigarette. Je suis avec mon chum et son ami. Nous avions eu une belle soirée dans la préparation des festivités et dans l’attente du retour de mon chum de son nouveau travail. Belles conversations. J’étais curieuse de connaître la nouvelle réalité de notre ami. Son moral, la réappropriation de son corps, sa sexualité, bref, sa nouvelle vie. Il n’y a pas de tabou avec moi et c’est toujours facile de pouvoir se confier. Je voulais être une oreille sans jugement, simplement dans l’accompagnement.

À l’arriver de mon chum, ma soirée fantasmée dans le rire et le plaisir a viré au cauchemar. J’en « shake » en écrivant ses quelques lignes aux vertus libératrices.

Son visage. Je me rappellerai toujours son visage. Le regard qu’il a posé sur moi, entre le dégout, la joie et l’incompréhension. Il avait l’air tellement mêlé. J’aurai pu ne pas être là que ça n'aurait rien changé.

L’attitude de son ami c’est modifié aussi. Je ne sais pas si c’est à cause de l’alcool et des quelques pétards que nous avions fumés ? J’étais maintenant en présence de deux gamins. Deux ados avec un QI moins zéro.

J’ai des « flash » depuis que j’ai changé de thérapeute. Je pense que c’est normal, il a fallu que je remonte en 2019 et creusé dans mes histoires et mes souvenirs que je voulais enterrer. Ça m’a bousculée.

Je suis à mon chalet et je fume une cigarette. Je suis avec mon chum et son ami. Je ne sais pas pourquoi la conversation s’est orientée ainsi. Elle m’a fait mal comme une claque au visage reçue par surprise. Il faut dire que nous traversions une période difficile : le cancer de mon père, le foutu covid qu’il fallait apprivoiser, les hormones que je prenais et les problèmes d’intimités que nous avions. Ça faisait trois ans que nous essayions d’avoir un enfant et mon chum ne me désirait plus depuis quelques semaines. Depuis que son visage avait réellement changé. Depuis que son regard était différent. Ça, ça fait mal encore quand j’y repense.

Son ami me lance en pleine face: «  Les filles sont toutes des crisses de folles!!!! »

Ben voyons donc! Quelle violence j’ai ressenti dans ses mots. Quelle violence j’ai ressenti dans ses maux.

Je pense que je n’ai jamais explosé comme ça. Me faire traiter de crisse de folle sous mon propre toit. Folle de vouloir simplement faire plaisir à mon chum, folle d’être allée chercher l’ami, folle de ne pas vouloir le faire sentir comme un handicapé, folle de l’avoir écouté et d’être touchée pas sa situation, folle de vouloir faire plaisir à mon chum, folle !?!

J’ai regardé l'homme de ma vie pour qu’il dise quelques choses. Je cherchais un regard approbateur, un support. Un appui que je cherchais depuis un an, d’ailleurs.

Rien…

Rien. Toujours le même regard. Son visage. Je me rappellerai toujours son visage. Le regard qu’il a posé sur moi, entre le dégout, la joie et l’incompréhension. Il avait l’air tellement mêlé. J’aurai pu ne pas être là que ça n’aurait rien changé. Je suis rentrée en coup de vent à deux reprises pour respirer. Claquer la porte pis toute. Je n’avais pas envie d’être fâchée. Je n’aime pas la chicane, mais j’avais la rage, la rage en dedans.

Respirer m’a fait du bien. Je me suis même excusée. Excusée de quoi ? D’approuver le fait que nous sommes tous des crisses de folles ? Que j'en suis une ? Le sujet revenait toujours là-dessus. Je commençais à sentir une violence à l’intérieur qui montait. Puis finalement, j’ai laissé les gamins entre eux et je suis allée me coucher.

J’ai cette image dans la tête depuis que j’ai changé de thérapeute. Je pense que c’est normal, il a fallu que je remonte en 2019 et parler de mes histoires, de mes souvenirs, des sentiments et des émotions qui viennent avec. Ça m'a bouleversée.

J’ai le cœur qui bat la chamade en composant ses quelques lignes...

Mon chum est venu me rejoindre en laissant son ami à l’étage. Il voulait faire l’amour. Il voulait ça  dans le noir total. Je ne le voyais même pas. En fait, je crois qu’il ne voulait pas me voir. Même dans le noir, je n’arrivais plus à être un élément de désir. J’écris ces quelques lignes et j’ai des spasmes dans mon ventre. Je ressens encore comment, je me trouvais laide, dégoutante, sans intérêt. La honte de penser que tout ça c’était ma faute. Mais surtout, la foutu incompréhension.

Depuis, je n’ai plus jamais dormi dans l’obscurité totale, car ceci agit sur moi comme un souvenir écran.

J’ai un souvenir qui revient continuellement de ce temps-là et qui m’empêche de trouver le sommeil, car je ne veux pas être dans le noir.

Je suis à mon chalet. Il fait soleil et c’est l’heure du déjeuner. Je monte les escaliers à reculons. Mon chum et son ami sont réveillés depuis un bon moment. Ils prennent une bière. Son visage. Je me rappellerai toujours son visage. Le regard qu’il a posé sur moi, entre le dégout, la joie et l’incompréhension. Il avait l’air tellement mêlé. J’aurais pu ne pas être là que ça n’aurait rien changé.

Je n’ai même pas pris une gorgée de café et au petit matin, je suis partie. J’allais leur montrer que je n'étais pas folle.

J’écris ses lignes et j'en « shake » encore. Je n'ai jamais été autant en crisse. Non, je ne me considère pas folle, mais j’ai été folle d’accepter des mots aussi violents et de me faire encore violence avec se souvenir aujourd’hui. Folle d’avoir subi du dégout, de la honte et de l’avoir ressenti pour moi-même. Folle qu’après, j’ai oublié rapidement. Folle d’avoir pardonné de pareilles insultes. Folle de t’avoir aimé autant.

C’est revenu depuis que j’ai changé de thérapeute. Je pense que c’est normal, il a fallu que je remonte en 2019 dans mes histoires et mes souvenirs. Ça m’a ébranlée.