dimanche 13 février 2022

Voici la folle.

                                     

J’ai un souvenir qui revient continuellement de ce temps-là.

Je suis à mon chalet et je fume une cigarette. Je suis avec mon chum et son ami. Je voulais faire plaisir à mon amoureux pour son anniversaire. Son seul souhait, c’était de la tarte au citron et que j’aille chercher son ami. C’était simple et réalisable. 

Quand même...

Son ami l’avait eu pas mal « rought » au cours des derniers mois : un accident très grave suivi d'un manque de motricité. Il est devenu paraplégique à la suite de cette mésaventure. Ensuite, pour couronner le tout, il s'est séparé.

Mon chum a changé depuis... 

En fait, il n’était plus le même depuis la mort d’un de nos amis en 2017 et était complètement déconnecté depuis que les jambes de son ami ne fonctionnaient plus. Comme je le ressentais depuis un certain temps et que nous vivions, nous aussi, une période difficile, je voulais réellement lui faire plaisir.

Son ami et sa tarte au citron il aura.

De mon côté, j’avais le petit bonheur de fête de mon chum à gérer et aussi d’aller chercher son ami, l’introduire et le sortir de ma voiture, le rentrer dans le chalet et ce, sans le faire sentir comme un vulgaire handicapé. Ça m’angoissait. Sa situation me touchait. Mon empathie, ma sympathie et ma compassion ne pouvaient pas prendre de vacances à ce moment-là. Je l’aimais, lui. Pis mon chum, je le voyais encore dans ma soupe après dix ans.

C’est revenu depuis que j’ai changé de thérapeute. Je pense que c’est normal. Il a fallu que je remonte en 2019 dans mes histoires et mes souvenirs. 

Ça m’a ébranlée...

L’image, les sons, les paroles me reviennent lorsqu’il serait intelligent que Morphée me prenne dans ses bras et me berce.

Je suis à mon chalet et je fume une cigarette. Je suis avec mon chum et son ami. Nous avions eu une belle soirée dans la préparation des festivités et dans l’attente du retour de mon chum de son nouveau travail. Belles conversations. J’étais curieuse de connaître la nouvelle réalité de notre ami. Son moral, la réappropriation de son corps, sa sexualité, bref, sa nouvelle vie. Il n’y a pas de tabou avec moi et c’est toujours facile de pouvoir se confier. Je voulais être une oreille sans jugement, simplement dans l’accompagnement.

À l’arriver de mon chum, ma soirée fantasmée dans le rire et le plaisir a viré au cauchemar. J’en « shake » en écrivant ses quelques lignes aux vertus libératrices.

Son visage. Je me rappellerai toujours son visage. Le regard qu’il a posé sur moi, entre le dégout, la joie et l’incompréhension. Il avait l’air tellement mêlé. J’aurai pu ne pas être là que ça n'aurait rien changé.

L’attitude de son ami c’est modifié aussi. Je ne sais pas si c’est à cause de l’alcool et des quelques pétards que nous avions fumés ? J’étais maintenant en présence de deux gamins. Deux ados avec un QI moins zéro.

J’ai des « flash » depuis que j’ai changé de thérapeute. Je pense que c’est normal, il a fallu que je remonte en 2019 et creusé dans mes histoires et mes souvenirs que je voulais enterrer. Ça m’a bousculée.

Je suis à mon chalet et je fume une cigarette. Je suis avec mon chum et son ami. Je ne sais pas pourquoi la conversation s’est orientée ainsi. Elle m’a fait mal comme une claque au visage reçue par surprise. Il faut dire que nous traversions une période difficile : le cancer de mon père, le foutu covid qu’il fallait apprivoiser, les hormones que je prenais et les problèmes d’intimités que nous avions. Ça faisait trois ans que nous essayions d’avoir un enfant et mon chum ne me désirait plus depuis quelques semaines. Depuis que son visage avait réellement changé. Depuis que son regard était différent. Ça, ça fait mal encore quand j’y repense.

Son ami me lance en pleine face: «  Les filles sont toutes des crisses de folles!!!! »

Ben voyons donc! Quelle violence j’ai ressenti dans ses mots. Quelle violence j’ai ressenti dans ses maux.

Je pense que je n’ai jamais explosé comme ça. Me faire traiter de crisse de folle sous mon propre toit. Folle de vouloir simplement faire plaisir à mon chum, folle d’être allée chercher l’ami, folle de ne pas vouloir le faire sentir comme un handicapé, folle de l’avoir écouté et d’être touchée pas sa situation, folle de vouloir faire plaisir à mon chum, folle !?!

J’ai regardé l'homme de ma vie pour qu’il dise quelques choses. Je cherchais un regard approbateur, un support. Un appui que je cherchais depuis un an, d’ailleurs.

Rien…

Rien. Toujours le même regard. Son visage. Je me rappellerai toujours son visage. Le regard qu’il a posé sur moi, entre le dégout, la joie et l’incompréhension. Il avait l’air tellement mêlé. J’aurai pu ne pas être là que ça n’aurait rien changé. Je suis rentrée en coup de vent à deux reprises pour respirer. Claquer la porte pis toute. Je n’avais pas envie d’être fâchée. Je n’aime pas la chicane, mais j’avais la rage, la rage en dedans.

Respirer m’a fait du bien. Je me suis même excusée. Excusée de quoi ? D’approuver le fait que nous sommes tous des crisses de folles ? Que j'en suis une ? Le sujet revenait toujours là-dessus. Je commençais à sentir une violence à l’intérieur qui montait. Puis finalement, j’ai laissé les gamins entre eux et je suis allée me coucher.

J’ai cette image dans la tête depuis que j’ai changé de thérapeute. Je pense que c’est normal, il a fallu que je remonte en 2019 et parler de mes histoires, de mes souvenirs, des sentiments et des émotions qui viennent avec. Ça m'a bouleversée.

J’ai le cœur qui bat la chamade en composant ses quelques lignes...

Mon chum est venu me rejoindre en laissant son ami à l’étage. Il voulait faire l’amour. Il voulait ça  dans le noir total. Je ne le voyais même pas. En fait, je crois qu’il ne voulait pas me voir. Même dans le noir, je n’arrivais plus à être un élément de désir. J’écris ces quelques lignes et j’ai des spasmes dans mon ventre. Je ressens encore comment, je me trouvais laide, dégoutante, sans intérêt. La honte de penser que tout ça c’était ma faute. Mais surtout, la foutu incompréhension.

Depuis, je n’ai plus jamais dormi dans l’obscurité totale, car ceci agit sur moi comme un souvenir écran.

J’ai un souvenir qui revient continuellement de ce temps-là et qui m’empêche de trouver le sommeil, car je ne veux pas être dans le noir.

Je suis à mon chalet. Il fait soleil et c’est l’heure du déjeuner. Je monte les escaliers à reculons. Mon chum et son ami sont réveillés depuis un bon moment. Ils prennent une bière. Son visage. Je me rappellerai toujours son visage. Le regard qu’il a posé sur moi, entre le dégout, la joie et l’incompréhension. Il avait l’air tellement mêlé. J’aurais pu ne pas être là que ça n’aurait rien changé.

Je n’ai même pas pris une gorgée de café et au petit matin, je suis partie. J’allais leur montrer que je n'étais pas folle.

J’écris ses lignes et j'en « shake » encore. Je n'ai jamais été autant en crisse. Non, je ne me considère pas folle, mais j’ai été folle d’accepter des mots aussi violents et de me faire encore violence avec se souvenir aujourd’hui. Folle d’avoir subi du dégout, de la honte et de l’avoir ressenti pour moi-même. Folle qu’après, j’ai oublié rapidement. Folle d’avoir pardonné de pareilles insultes. Folle de t’avoir aimé autant.

C’est revenu depuis que j’ai changé de thérapeute. Je pense que c’est normal, il a fallu que je remonte en 2019 dans mes histoires et mes souvenirs. Ça m’a ébranlée.

 

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